Ce soir là, la lune était pleine. Elle regardait la belle. La belle la regardait. Une mystérieuse force les attirait l'une vers l'autre. " je veux mieux te connaître. Savoir tout de toi. Je veux que tu te racontes. Je veux savoir ta face cachée." "Et moi, lui répondit la lune, je veux que tu me prennes dans tes bras et que tu me dises à haute voix, les histoires de moi que tu chuchotes en bas. Je veux que tu me fasses connaître le bon côté des hommes. Je veux savoir comment ils parlent de moi." Et il y eut alors un de ces phénomènes mystérieux qui se passent la nuit, quand seul sont éveillés les amoureux du rêve les poètes, les troubadours, les magiciens, les mystiques. La femme tendit les bras. La lune se laissa prendre et bien que rougissante lui laissa voir sa face cachée. L'histoire ne dit pas ce que vit la belle dame. Ce que l'on sait c'est que longtemps après, plusieurs vies d'étoiles peut- être, on trouve dans les yeux de certaines un certain bleu et des traces d'étoiles qui seraient le reflet bien atténuée des beautés que l'on voit, sur l'autre face de la lune.on dit aussi que certaines se sont transmis de mère à fille depuis des siècles le souffle léger et frais et le parfum un peu sauvage que l'on peut déceler si par le plus grand des hasards ...et des bonheurs aussi...certains parviennent à les approcher d'assez près. On peut aussi mettre l'histoire au masculin. Ainsi, toi lecteur et toi lectrice, à la prochaine lune, approche toi de celui ou de celle qui se serre contre toi, penche ton visage contre le sien et rapproche sa bouche de la tienne. Et tu sauras alors ce dont j'ai voulu te parler et ce que raconte cette image.
Eh bien merci beaucoup Crouk d'être venue jusqu'ici... Ton avis me touche beaucoup, car je suis loin d'avoir ton talent.Mais j'aime gribouiller mes petits personnages.
Difficilement évitable, Le Spleen de Paris —Repris en 1864 sous le titre « Petits poèmes en prose »—
LES BIENFAITS DE LA LUNE
La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit: "Cette enfant me plaît." Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s'étendit sur toi avec la tendresse souple d'une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C'est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis; et elle t'a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l'envie de pleurer. Cependant, dans l'expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux; et toute cette lumière vivante pensait et disait: "Tu subiras éternellement l'influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j'aime et ce qui m'aime: l'eau, les nuages, le silence et la nuit; la mer immense et verte; l'eau uniforme et multiforme; le lieu où tu ne seras pas; l'amant que tu ne connaîtras pas; les fleurs monstrueuses; les parfums qui font délirer; les chats qui se pâment sur les pianos et qui gémissent comme les femmes, d'une voix rauque et douce! "Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j'ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l'eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu'ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d'une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie." Et c'est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.
Un des plus beaux poèmes en prose de Baudelaire. Moi qui suis pourtant à la fois lunaire et solaire, j'aime énormément ce texte. Merci de le faire résonner avec mon dessin.
Ce soir là, la lune était pleine. Elle regardait la belle. La belle la regardait. Une mystérieuse force les attirait l'une vers l'autre. " je veux mieux te connaître. Savoir tout de toi. Je veux que tu te racontes. Je veux savoir ta face cachée." "Et moi, lui répondit la lune, je veux que tu me prennes dans tes bras et que tu me dises à haute voix, les histoires de moi que tu chuchotes en bas. Je veux que tu me fasses connaître le bon côté des hommes. Je veux savoir comment ils parlent de moi."
RépondreSupprimerEt il y eut alors un de ces phénomènes mystérieux qui se passent la nuit, quand seul sont éveillés les amoureux du rêve les poètes, les troubadours, les magiciens, les mystiques. La femme tendit les bras. La lune se laissa prendre et bien que rougissante lui laissa voir sa face cachée. L'histoire ne dit pas ce que vit la belle dame. Ce que l'on sait c'est que longtemps après, plusieurs vies d'étoiles peut- être, on trouve dans les yeux de certaines un certain bleu et des traces d'étoiles qui seraient le reflet bien atténuée des beautés que l'on voit, sur l'autre face de la lune.on dit aussi que certaines se sont transmis de mère à fille depuis des siècles le souffle léger et frais et le parfum un peu sauvage que l'on peut déceler si par le plus grand des hasards ...et des bonheurs aussi...certains parviennent à les approcher d'assez près.
On peut aussi mettre l'histoire au masculin. Ainsi, toi lecteur et toi lectrice, à la prochaine lune, approche toi de celui ou de celle qui se serre contre toi, penche ton visage contre le sien et rapproche sa bouche de la tienne. Et tu sauras alors ce dont j'ai voulu te parler et ce que raconte cette image.
Merveilleuse histoire...merci beaucoup.
SupprimerMoi aussi j'adooore contempler la Lune, surtout sa face couchée ];-D
RépondreSupprimerSerais-tu un hédoniste invertébré?
SupprimerDevine. Divine !
Supprimerje ne suis jamais allée voir comment c'est .......
RépondreSupprimerEst-ce que tu as au moins écouté la chanson que j'ai cachée sous le lien "aller voir" ?
SupprimerIl y en a des promesses, de l'autre côté de la lune...
RépondreSupprimerPeut être qu'il n'y a pas besoin d'aller si loin finalement...
Supprimerje croyais que c'était comme un cd qu'il n'avait qu'une face !
RépondreSupprimerqu'il n'y avait ! pardon ! ou qu'elle n'avait c'est comme vous voulez !
SupprimerBen non, la lune n'est pas un CD elle nous jouerait de la musique pour nous endormir...
Supprimerah! ah! ah!! mais oui , elle est ici, bien sur, ta nouvelle passion!!!
RépondreSupprimerbravo , c'est super frais , craquant , évident!!
Eh bien merci beaucoup Crouk d'être venue jusqu'ici...
SupprimerTon avis me touche beaucoup, car je suis loin d'avoir ton talent.Mais j'aime gribouiller mes petits personnages.
RépondreSupprimerDifficilement évitable, Le Spleen de Paris
—Repris en 1864 sous le titre « Petits poèmes en prose »—
LES BIENFAITS DE LA LUNE
La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit: "Cette enfant me plaît."
Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s'étendit sur toi avec la tendresse souple d'une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C'est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis; et elle t'a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l'envie de pleurer.
Cependant, dans l'expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux; et toute cette lumière vivante pensait et disait: "Tu subiras éternellement l'influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j'aime et ce qui m'aime: l'eau, les nuages, le silence et la nuit; la mer immense et verte; l'eau uniforme et multiforme; le lieu où tu ne seras pas; l'amant que tu ne connaîtras pas; les fleurs monstrueuses; les parfums qui font délirer; les chats qui se pâment sur les pianos et qui gémissent comme les femmes, d'une voix rauque et douce!
"Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j'ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l'eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu'ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d'une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie."
Et c'est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.
Un des plus beaux poèmes en prose de Baudelaire. Moi qui suis pourtant à la fois lunaire et solaire, j'aime énormément ce texte. Merci de le faire résonner avec mon dessin.
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